Le réseau Soignants dans le Monde a pour vocation de faire connaitre des thérapeutes et professionnels de santé et de bien-être qui peuvent être amenés à travailler en ligne, lorsque leur spécialité le leur permet.
D’autres professionnels qui n’ont pas eu à s’interroger sur cette possibilité de travail, notamment car ils n’en ont pas eu besoin, sont souvent très réfractaires voire très virulents sur la question de pratiquer la thérapie à distance. Prenons l’exemple de ce psychologue qui dit : « On ne peut pas faire de thérapie à distance, juste du soutien. ». Pourtant, les possibilités de travail thérapeutique à distance existent et peuvent être utilisées pour permettre aux patients d’atteindre les objectifs de mieux-être qu’il se sont fixés.
Une approche thérapeutique qui se développe
Le travail thérapeutique à distance se multiplie dans de nombreuses spécialités. C’est un mouvement qui était assez restreint au départ mais qui a tendance à se démultiplier dans des spécialités de plus en plus larges. Il faut savoir que de plus en plus de propositions sont faites dans le domaine du suivi des patients à distance :
– suivis médicaux,
– suivis orthophoniques,
– suivis thérapeutiques.
Dès 2009, la loi de Réforme de l’hôpital proposait une définition de la télémédecine [1]. Puis en 2010, un décret [2] rendait obligatoire l’élaboration de programmes régionaux de télémédecine.
Les avantages de la consultation à distance
Le réseau Soignants dans le Monde s’est intéressé à cette question lors de la première rencontre en ligne de professionnels présents dans son annuaire. Une rencontre entre professionnels thérapeutes qui a également permis de mettre en lumière le fait que l’activité à distance répond non seulement aux besoins de personnes expatriées mais aussi de personnes ayant peu de ressources dans leur environnement immédiat. Cette possibilité de consultation permet en effet de donner le choix à l’utilisateur de consulter un thérapeute sans avoir à se soucier du critère géographique au profit de l’adéquation entre son besoin et la spécialité du professionnel.
D’un point de vue plus pratique, ce mode de travail permet une meilleure souplesse horaire pour le thérapeute, précieuse à plusieurs titres :
– gain de temps,
– possibilité de poursuivre les rendez-vous malgré un emploi du temps chargé,
– temps consacré exclusivement à la consultation, sans temps d’attente et de trajet à prévoir.
Ce mode de travail est aussi économique tant pour le thérapeute que pour son patient. Par exemple, il permet au professionnel de pouvoir travailler depuis son domicile sans avoir à faire garder ses enfants pendant son rendez-vous. Pour le patient salarié à temps plein, il ne sera pas nécessaire de poser une demi-journée de congé pour se rendre à son rendez-vous.
Lorsque les personnes ont du mal à se déplacer, cette offre à distance permet de réaliser un suivi. En effet, nombreux sont les cas où les accompagnements thérapeutiques sont abandonnés car trop difficiles à organiser matériellement.
Ce mode de travail véhicule aussi un sentiment de sécurité auprès de personnes extrêmement anxieuses qui se sentent mieux chez elles. Ne plus être exposées à cette peur libère un espace psychique qui leur permet de mieux travailler sur la source de leurs difficultés.
Certains diront que cette approche à distance créé un risque de déshumanisation des soins par l’absence de contact humain réel. Ceux sont des éléments à prendre en considération pour des personnes très isolées. En effet, le travail à distance ne doit pas être instauré à tout prix, mais il présente une alternative possible qui a des avantages.
Les limites de la pratique thérapeutique à distance
Cette pratique soulève toutefois des questions sur le fond du travail, comme sur la forme.
Beaucoup de professionnels de santé ou de bien-être reconnaissent qu’ils travaillent de la même façon en ligne ou en présentiel. Une récente étude a été réalisée afin d’évaluer la différence d’investissement des psychologues dans un travail en présentiel ou à distance. Le professionnel devait choisir s’il répondait pour les séances en présentiel ou en ligne, puis suivaient des questions sur le rapport entre l’estime de lui-même et le résultat obtenu par son patient en thérapie. Toutefois, cette étude ne portait pas sur la variation induite ou non par l’activité en ligne dans l’investissement du thérapeute, mais sur quelque chose de beaucoup plus intime : la distance que le thérapeute place entre lui et son patient, c’est-à-dire sa propre posture. Il s’agit là d’une distance symbolique et non technique.
L’investissement du patient comme l’investissement du thérapeute ne sont pas liées à ce cadre. Afin de préserver un environnement qui définit bien le temps de séance comme un espace thérapeutique, il peut être opportun d’indiquer à ses clients comment s’organiser eux-mêmes ou comment organiser l’espace de leurs enfants lorsque ces derniers sont les bénéficiaires d’un accompagnement thérapeutique.
Il peut arriver que le thérapeute soit contraint d’annuler une séance au dernier moment, si les circonstances ne permettent pas au patient de profiter du temps de la consultation (avec un enfant malade à charge par exemple). Cette situation reste rare car les personnes ont à cœur de préserver leur séance, et que le format « à domicile » rend les aménagements plus faciles à faire.
En outre, il est évident que l’accompagnement par un médecin ou par une sage-femme ne pourra pas être tout à fait le même en l’absence de possibilité d’auscultation. Les pratiques comme les attentes des bénéficiaires sont à adapter.
Une autre limite concerne la gravité des situations rencontrées. Par exemple, des personnes dont la situation nécessite la prescription de médicaments ou des individus qui, même sans médication, semblent trop fragiles pour prendre le risque que le thérapeute n’ait aucun contact avec leur environnement immédiat en cas d’aggravation de leur état. Il n’est pas toujours facile de discerner dès les premiers contacts les risques de décompensation des personnes. Il est également essentiel de pouvoir en référer à d’autres professionnels en cas de nécessité.
Questions pratiques des consultations à distance
La question de la confidentialité des consultations à distance peut parfois être posée par le patient lui-même ; un point important que le thérapeute doit aborder avec son patient. Il convient de bien repréciser qu’aucune information (nom du patient, contenu des entretiens, etc.) ne sera partagée avec quiconque, que la consultation soit réalisée en présentiel ou en ligne et que les séances ne sont pas enregistrées.
Par ailleurs, certains professionnels s’interrogent sur le mode de paiement des consultations en ligne. Il existe de multiples solutions au même titre qu’il existe de multiples solutions en présentiel :
– logiciel de paiement en ligne,
– prépaiement par virement ou par chèque,
– etc.
Chaque professionnel reste libre d’établir les règles qui lui conviennent et d’en informer son client.
Attention aux rendez-vous de premier contact que vous pourriez proposer gratuitement et qui finissent par ne pas être honorés. Il est préférable de proposer un rendez-vous payable à l’avance, qui peut être unique ou intégré au forfait d’accompagnement thérapeutique choisi par la suite.
En effet, la question des annulations de consultations en ligne se pose aussi, au même titre que cette question se pose en présentiel. Chaque professionnel va suivre la méthode qui lui convient :
– en indiquant que le rendez-vous pris est dû, à moins d’être annulé sous telle ou telle condition,
– en acceptant de reporter la séance sans demander de règlement.
Il peut arriver que certaines personnes ne se présentent pas au rendez-vous et pense que cela n’est pas grave car le rendez-vous n’est pas physique. Dans le cas du travail à distance, comme du travail à domicile, parfois, l’imaginaire du client ne se raccroche pas à la réalité d’un bureau, pouvant donner l’impression que les choses se passent hors d’un champ professionnel. Il ne se figure pas que :
– le professionnel se met à sa disposition,
– qu’il préserve son agenda pour lui,
– qu’il arrête l’activité qu’il faisait pour être disponible au moment convenu.
C’est une réalité que la personne qui ne se présente pas au rendez-vous ne se représente pas toujours.
Les annulations en cours de suivi ont un sens : elles font partie de l’appropriation du cadre thérapeutique par le client. Les faire payer purement et simplement est rarement une réponse suffisante. Il est important d’écouter ce que votre client/patient a à vous dire à ce sujet. Il n’y a parfois aucune raison évoquée, et parfois une raison infaillible, a priori (mon enfant était malade, mon patron a prolongé une réunion…). Seulement la conscience et l’inconscient collaborent bien, et généralement, la vraie raison se cache derrière ces faits évoqués. Si la personne souhaitait vraiment venir elle aurait mis en place les moyens de le faire.
Ces arguments sont un peu l’arbre qui cache la forêt. Par exemple, les changements apportés au patient lui font du bien, mais lui font peur aussi, ou bien celui-ci est déstabilisé d’observer la place que ce travail thérapeutique prend chez lui, il aurait aimé se débrouiller par lui-même ; ou encore ces séances remettent tellement en question ses croyances qu’il a du mal à y faire face…
Une approche professionnelle consiste alors davantage à soulever le pourquoi d’une absence sans se contenter de la raison invoquée. Cela n’empêche pas de se faire régler la séance qui a été réservée et pour laquelle le professionnel avait gardé du temps.
Déroulement et particularités des consultations à distance
Dans le déroulement des séances d’un accompagnement thérapeutique, la pratique nous apprend à adapter nos réponses à des situations rendues plus complexes par la distance. Dans le cas de séance d’orthophonie par exemple, là où les professionnels pouvaient sortir leur matériel au fur et à mesure des besoins, une anticipation précise est nécessaire. L’approche par le dessin peut être utilisée, soit en termes de production par l’enfant, soit comme un moyen de représenter les situations psychiques décodées. L’envoi de photos, l’ajustement de la position de la feuille de papier devant la caméra, peuvent également constituer des moyens de pallier cette particularité de l’accompagnement thérapeutique à distance.
Soulignons également la particularité des silences à distance. Des silences qui ont un sens, qui donnent du temps au client de cheminer, que l’on peut être tenté de combler à tort. J’aurai pu évoquer les très rares fois où devant le désarroi de mes patients j’ai pu spontanément leur serrer particulièrement la main au moment de se séparer. Ceux sont des béquilles auxquelles la distance ne permet pas de se raccrocher, la distance nous oblige à élaborer davantage notre pratique.
Parfois la technique s’emmêle et nous oblige à reporter, interrompre pour reprendre la séance, se déplacer… Ceux sont des situations acceptées par celui qui s’engage dans un travail à distance. D’autres personnes pourront refuser ce travail à distance qui les insécurise. Il n’y a pas de jugement à porter, juste la réalité de chacun à accueillir.
Ces pratiques continuent et continueront de poser question, de générer enthousiasme ou opposition. L’essentiel est de n’imposer à personne le moyen qu’il peut utiliser, ni de refuser d’emblée un système. J’ai été touchée par un enfant qui me disait « j’aime bien le travail par Skype, au moins je n’ai pas peur comme quand j’allais voir une dame dans son bureau ». Les critères de chacun sont différents. L’expérience de celles avec qui nous avons échangé sur ce sujet, indique en tous cas l’efficacité de cette approche, au même titre que des rendez-vous en présentiel.
[1] Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 article 78 et art. L. 6316-1 du code de santé publique.
[2] Décret n° 2010-514 du 18 mai 2010
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